La relation entre santé mentale et criminalité est un sujet complexe, souvent mal compris et entaché de préjugés sociaux. Lorsqu’un acte criminel est commis par une personne souffrant de troubles psychiques, les médias s’emparent fréquemment de l’histoire, renforçant l’idée qu’il existe un lien direct entre maladie mentale et comportement délinquant. Pourtant, cette association mérite d’être examinée avec nuance, en distinguant les faits des idées reçues.
D’abord, il est essentiel de rappeler que la grande majorité des personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas violentes et ne représentent aucun danger pour autrui. Plusieurs études ont démontré que les individus vivant avec des troubles psychiatriques graves sont bien plus souvent victimes que auteurs de violences. En réalité, ces personnes sont parmi les plus vulnérables de la société, confrontées à l’exclusion, à la stigmatisation, et à des difficultés d’accès aux soins. Le mythe selon lequel la maladie mentale serait un facteur principal de criminalité est donc largement exagéré et souvent utilisé comme un raccourci pour expliquer des comportements sociaux déviants.
Cela dit, il serait réducteur de nier toute forme de lien possible entre certaines pathologies mentales et des comportements délictueux. Certains troubles, en particulier lorsqu’ils sont non traités ou associés à des facteurs aggravants comme l’abus de substances, la précarité extrême ou l’isolement social, peuvent altérer le jugement, le contrôle des impulsions ou la perception de la réalité. Dans ces cas, il peut arriver que des actes criminels soient commis. Toutefois, ces situations demeurent minoritaires et ne permettent pas de tirer des conclusions générales.
Le système judiciaire a parfois du mal à prendre en compte les réalités cliniques dans le traitement des personnes souffrant de troubles mentaux. Trop souvent, ces dernières se retrouvent en prison plutôt qu’en soins adaptés. Cela soulève une question importante : la criminalisation de la souffrance psychique. Beaucoup d’actes qui mènent à une incarcération pourraient être évités par une prise en charge précoce et appropriée. En négligeant les besoins de santé mentale, la société contribue indirectement à aggraver la marginalisation de ces personnes et à alimenter un cercle vicieux d’exclusion, de rechute et de répression.
En outre, il est crucial de ne pas confondre responsabilité pénale et trouble mental. La justice distingue bien entre un auteur pleinement responsable de ses actes et une personne dont le discernement a été aboli ou altéré au moment des faits. Cette distinction est au cœur du droit pénal moderne, qui cherche à conjuguer protection de la société et respect des droits des personnes malades. Ainsi, la reconnaissance d’un trouble mental ne signifie pas automatiquement une absence de responsabilité, mais elle invite à une évaluation spécifique de la situation.
Par ailleurs, la société doit s’interroger sur la manière dont elle traite la santé mentale dans son ensemble. Le manque de moyens dans les structures psychiatriques, l’insuffisance de la prévention et le regard stigmatisant porté sur les troubles psychiques participent à l’exclusion sociale et, parfois, à des dérives qui peuvent mener à des actes répréhensibles. Il est donc indispensable de renforcer la collaboration entre les secteurs de la justice, de la santé, du social et de l’éducation pour construire une réponse globale, humaine et efficace.
En définitive, la relation entre santé mentale et criminalité ne peut être réduite à une équation simple. C’est un sujet qui exige rigueur, discernement et compassion. Le véritable défi consiste à dépasser les stéréotypes, à améliorer la connaissance du public et à développer des politiques publiques capables de prévenir les ruptures de parcours. Plutôt que de voir dans les malades mentaux des criminels en puissance, il est urgent de les reconnaître comme des citoyens à part entière, porteurs de droits, de besoins et de dignité. La santé mentale, loin d’être un problème de sécurité publique, est avant tout une question de santé et de solidarité.